La Tempête qui tue
(The Mortal Storm)
La séance du mercredi 1 février à 14h
est présentée par Dominique Païni,
cinéphile, commissaire d’exposition
30 janvier 1933, dans les Alpes allemandes. Le professeur Roth fête ses soixante ans à l’université de la petite ville allemande où il exerce. La soirée en famille, quant à elle, est troublée par l’annonce à la radio de la nomination d’Adolf Hitler comme Chancelier. Le professeur et son épouse sont accablés par la nouvelle et désespérés de voir leur famille, jusqu’ici unie, se scinder en deux. Leurs fils sortant fêter l’événement, tandis que Martin, le plus proche ami de la famille, demeure aux côtés du professeur et de sa femme, abattus, et de leur fille Freya qu’il a toujours aimée en silence. Très vite, la montée du fascisme va emporter la famille Roth, le paisible village, l’Allemagne… et le monde.
Frank Borzage offre avec ce film admirable la vision lucide et terrible d’une population basculant dans le fascisme. Mais, comme il est d’usage dans son cinéma, la grande Histoire est vécue à hauteur d’homme, vécue à travers une histoire d’amour aussi belle que tragique. Ce fond social, politique et historique est porté par cette forme mélodramatique et lyrique qu’il n’a cessé de travailler depuis ses chefs-d’œuvre du muet. C’est un monde devenu fou et cruel qui rapproche les deux amants, c’est l’horreur qui fait naître ce couple. Avec une lucidité politique étonnante, La Tempête qui tue est l’un des premiers films à dénoncer le nazisme et à évoquer les exactions commises contre le peuple juif et ceux qui, en Allemagne, essayent de lutter contre la barbarie. On y voit un autodafé de livres et la première représentation cinématographique d’un camp de concentration. C’est l’engagement des trois stars de la MGM, Margaret Sullavan, James Stewart et Robert Young qui permet la production du film qui met explicitement en cause l’idéologie et la pratique nazies. Sa réalisation constitue un déclic au sein de l’industrie hollywoodienne, qui va, à partir de ce moment là, briser le silence sur la situation en Allemagne.
Il est étonnant que Borzage ait su intégrer cette lucidité à l’immense courant lyrique qui traverse son œuvre. Le déchirement des familles, la volonté résolue de lutter seul contre tous les autres au nom de ses idéaux ne trouveront jamais plus une incarnation à la fois aussi glacée, radicale et lyrique.
Film de Frank Borzage
États-Unis | 1940 | 1h40 | VOST
Avec Margaret Sullavan,
James Stewart, Robert Young