LUX SCÈNE NATIONALE

Arts visuels + Arts scéniques
ARTS, CULTURE ET INNOVATIONS À VALENCE, DRÔME

Clouzot et les arts plastiques

Une suite contemporaine

[vc_row][vc_column width= »5/6″][vc_column_text]Avec des œuvres de
François Boisrond, Tïa-Calli Borlase, Miguel Chevalier, Aurélie Dubois, Philippe Dupuy, Orsten Groom, Ange Leccia, Claude Lévêque, Filip Markiewicz, Alexandra Mas, Myriam Mechita, Frank Perrin, Agnès Pezeu

Honorer le rapport intense de Clouzot avec l’art de son temps en donnant une « suite contemporaine » à cette dilection. Faire travailler treize artistes contemporains sur l’univers de Clouzot, tous médiums confondus. Privilégier une lecture originale émanant de créateurs plasticiens dont la culture cinématographique est ultérieure à l’ère Clouzot, tels sont les enjeux de cette exposition exceptionnelle.

Quand on demande à Paul Ardenne une définition de l’Art contemporain, ce dernier répond sans détour : « C’est l’émergence, dans un double esprit de débat : l’artiste avec son temps, l’artiste avec lui-même ». Les questions de l’espace-temps, de l’esthétique moderne et postmoderne, le rapport aux choses, aux matières, à l’Histoire fondent la réflexion élargie de Paul Ardenne. Lors d’une conférence intitulée « Les images balbutient l’Histoire », Paul Ardenne, présentant un extrait de La Vie est belle de Roberto Benigni, commente : « L’Histoire, nous la poétisons, nous l’esthétisons. L’Histoire est personnalisée, elle participe à la constitution de soi ». Créer, c’est poétiser le soi, l’Histoire, la culture de son temps, de manière expérimentale et aventureuse.

Henri-Georges Clouzot était un artiste contemporain. Les thèmes abordés dans ses films, du Corbeau au Quai des Orfèvres, en passant par Le Salaire de la peur ou Manon, témoignent de cette appropriation de l’Histoire. Raconter de « petites histoires », celles de gens ordinaires, mais dans le but de témoigner en creux de la grande Histoire.

Henri-Georges Clouzot peignait une société avec honnêteté et justesse. Sans juger, sans idéaliser, avec sa morale à lui, sans parti-pris. Il captait le vivant d’une situation et de ses personnages. Simplement, totalement. Ses acteurs deviennent matière et l’histoire son socle. Paul Ardenne, lors d’une interview pour son ouvrage Comment je suis oiseau, se définit comme un « traqueur du vivant ». Cette future exposition laisse présager un surprenant mariage « a tempo », intemporelle et pluri-forme.

Henri-Georges Clouzot et les arts plastiques : une suite contemporaine
Henri-Georges Clouzot (1907-1977), cinéaste français, auteur mémorable de plusieurs chefs-d’œuvre du septième art que tout un chacun a en tête : Le Corbeau (1943), Manon (1949), Quai des Orfèvres (1947), Les Diaboliques (1955), Le Salaire de la peur (1953), La Vérité (1960), La Prisonnière (1968)… Le réalisateur, aussi, du Mystère Picasso (1956), qui reste à ce jour un exemple inégalé de saisie, par l’oculus cinématographique, de la création plasticienne en train de se faire. Pour la première fois dans l’histoire du cinéma, un peintre (et quel peintre : rien moins que le créateur immortel de Guernica) réalise sous les yeux du spectateur plusieurs tableaux, une création dont on a tout loisir de découvrir alors toute la complexité, et les errements, en témoin privilégié.

« Clouzot et les arts plastiques : une suite contemporaine » : cette exposition de travaux émanant d’artistes plasticiens (des dessinateurs et des peintres, des vidéastes et des installationnistes) pourrait résulter d’une hérésie, mélanger deux types d’expression que l’histoire culturelle a plus opposés que réunis : le cinéma, art par excellence du récit et de l’émotion pulsative ; les arts plastiques, apologie,dans leur composante moderne, de la forme libre sans connexion obligatoire avec le réel et offerte le cas échéant à une méditation lente. Pourquoi, alors, cette exposition ? Henri-Georges Clouzot ne fut pas seulement l’amateur d’art que l’on sait, le cinéaste du Mystère Picasso puis, avec sa seconde femme Inès Bise, un grand collectionneur d’art (la collection Clouzot,riche d’œuvres majeures du xxe siècle, sera léguée à la mort d’Inès, en 2011, au Secours catholique, avant d’être dispersée chez Christie’s lors d’une vente mémorable). Encore : son cinéma, en profondeur, est travaillé par les effets plastiques, il s’enrichit volontiers de l’apport, au domaine de la forme libre, des artistes de son temps, Picasso déjà cité mais aussi d’autres artistes dont l’univers vient irriguer ses images cinéma et leur construction. Hitchcock, dans La Maison du docteur Edwards, confia-t-il la conception d’une scène de rêve à Salvador Dalí ? Clouzot, dans La Prisonnière, fera du peintre cinétique Gilbert Moreau, incarné à l’écran par Bernard Fresson, un personnage principal et, du milieu des artistes de l’abstraction géométrique, le cadre de ce drame où les ambitions créatrices se marient mal avec la passion amoureuse.

Treize artistes plasticiens, venus d’horizons différents, ont accepté de relever ce défi : donner une« suite » au cinéma d’Henri-Georges Clouzot au moyen de leur propre registre d’expression. Tous entretiennent avec le créateur de L’Enfer (1964 ; un film inachevé mais dont les essais coloristes anticipant le tournage, transfigurant Romy Schneider, sont restés « culte ») une relation étroite, intimiste, profonde toujours. Clouzot, pour eux, se fait inspirateur, maître à penser de la forme ou du propos, générateur de création. « Clouzot et les arts plastiques : une suite contemporaine » offre l’occasion d’évoquer, selon une modulation autre que cinématographique, celle des arts plastiques, les grands thèmes chers à Henri-Georges Clouzot : l’amour fatal, l’angoisse, la noirceur morbide, la trahison, la jalousie, la relativité, la folie, la pulsion paranoïaque, le voyeurisme, le mystère enfin,omniprésent chez le cinéaste et dans son œuvre filmique, hantée par ces question immémoriales : comment advient-on à l’humanité ?, comment se construit-on ?, pourquoi l’autre est-il invariablement un empêcheur de vivre, d’aimer, d’être soi-même ? S’il tient une place certaine dans l’histoire du cinéma, Clouzot en tient une, également, dans l’histoire de l’art, surtout à compter de L’Enfer et de La Prisonnière, deux films où les arts plastiques sont convoqués. À titre expérimental pour L’Enfer, à travers les recherches formelles que fait Clouzot, qui sont pour certaines fascinantes, en matière d’éclairage des corps humains notamment. À titre historiciste dans La Prisonnière, où l’action se passe dans le milieu de l’art cinétique et dans celui des amateurs et des collectionneurs d’art contemporain.

La démarche des artistes plasticiens invités dans cette exposition est l’objet d’approches fort différentes. D’abord, dans le choix des films à partir desquels les différents artistes ont travaillé. De ces films, certains artistes extraient une scène particulière, et d’autres, une ambiance plutôt. Parfois, ce sera un thème cher à Clouzot qui fera, revisité, l’objet d’un développement plastique : la femme, l’énigme, le mystère, la conspiration… Le commerce des corps et des affects, aussi, a beaucoup inspiré les artistes de cette « suite contemporaine ». La diversité est à son comble. On aurait pu pressentir que Le Mystère Picasso – un film qui intéresse forcément les artistes plasticiens – allait remporter tous les suffrages. Ce n’est pas le cas, deux des artistes invités dans cette exposition s’y réfèreraient d’une façon directe. L’univers d’Henri-Georges Clouzot est celui d’un obsessionnel, sans doute. Il n’en permet pas moins un grand nombre d’ouvertures esthétiques et imaginaires.

On doit cette exposition à Ghislaine Gracieux, créatrice de Ciné Patrimoine Concept, qui en a conçu le projet et forgé le concept. Initiatrice de l’événement de grande envergure « Le mystère Clouzot », un ensemble de manifestations consacrées au cinéaste au Festival de Cannes, au Festival Lumière de Lyon, à la Cinémathèque française à Paris et en d’autres occasions et lieux en 2017 et 2018, Ghislaine Gracieux a formé cette intuition, à laquelle les treize artistes répondent ici avec brio : la fécondité des liens, par-delà les époques, entre le cinéma de Clouzot, ayant pris date mais toujours d’actualité, et la création plasticienne d’aujourd’hui, tous médiums confondus. Une fois défini le concept de l’exposition, chaque artiste sollicité(e) s’est vu proposer la réalisation d’une œuvre inédite en rapport direct avec l’univers cinématographique d’Henri-Georges Clouzot. À charge pour lui (elle) d’y instiller sa propre sensibilité, ses propres obsessions, selon un principe de continuum et d’échange esthétique.

Cette exposition a été rendue possible grâce au généreux concours du promoteur immobilier INTERCONSTRUCTION et de son PDG, Marc Villand. INTERCONSTRUCTION développe depuis 2006 un principe systématisé de dialogue entre l’art et l’architecture : chaque nouveau programme immobilier livré par INTERCONSTRUCTION s’accompagne de l’installation, dans les halls, les jardins ou les parties communes des nouveaux bâtiments livrés, d’une ou plusieurs œuvres d’art originales. La contribution décisive de Topographie de l’art à l’existence de cette exposition doit également être soulignée. Tous ont apporté à l’exposition « Clouzot et les arts plastiques : une suite contemporaine »les moyens physiques d’exister. Qu’ils soient infiniment remerciés.

Paul Ardenne, commissaire de l’exposition[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width= »1/6″][/vc_column][/vc_row]