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Gare centrale

باب الحديد
Film de Youssef Chahine

[vc_row][vc_column width= »5/6″][vc_column_text]Dans la gare du Caire, le vendeur de journaux Kenaoui, boîteux et simple d’esprit, est épris d’une vendeuse de boissons à la sauvette, Hanouma, laquelle doit se marier avec Abou Serib, le charismatique porteur de bagages. Kenaoui ne supporte pas cette perspective…

Gare centrale, considéré aujourd’hui comme le film de la consécration artistique de Youssef Chahine, fut si mal accueilli à sa sortie que son auteur en conçut une dépression morale et cinématographique qui dura plusieurs années (sa « période noire », comme il l’appelait). Auteur, et acteur : Chahine, qui dans sa jeunesse s’était rêvé comédien, interprète Kenaoui, et c’est peu dire qu’il est impressionnant. Fiévreux, vibrant, bouffon, il n’hésite pas à exposer des préoccupations très personnelles, telles que la frustration sexuelle — sujet fort peu commun dans le cinéma égyptien de l’époque. Bien que Chahine fût passionné de Hamlet au point d’avoir toute sa vie caressé l’idée de l’adapter au cinéma, c’est à Richard III qu’on pense ici, avec ce personnage d’infirme complexé par le sentiment de sa propre laideur, pris d’une volonté de puissance qui le mènera au pire. Cette impudeur, qui fit scandale en 1958, annonce le virage que pris le cinéma de Chahine à la fin des années 1970 : celui d’un cinéma à la première personne, tout sauf évident dans une culture arabe pour laquelle le « moi » tend à être haïssable.

Naturellement, la réussite de Gare centrale ne tient pas seulement à Chahine acteur. Elle est également due, en premier lieu, à une caractéristique générale de son cinéma, ce « mélange des genres » qui traverse son œuvre par-delà les différents visages de celle-ci. Mélodrame et film noir sont ici convoqués, avec une pointe de comédie musicale le temps de la belle scène des danses parallèles d’Hanouma et de Kenaoui, l’une à l’intérieur du train et l’autre sur le quai — sans oublier une crudité du regard porté sur le monde physique et social qui rappelle le néo-réalisme italien. Quant à la netteté du trait cinématographique (mouvements de caméra, cadrages, découpage, utilisation du noir et blanc), elle le dispute en maîtrise au meilleur du cinéma hollywoodien.

L’autre intérêt du film se trouve inscrit dans son titre même : la gare du Caire, ce microcosme grouillant de vie et de destins croisés, où les classes sociales s’entrechoquent au cœur d’une ville-monde seulement aperçue (on sort à peine de l’enceinte de la gare) mais que Chahine évoquera magnifiquement, trente-trois ans plus tard, dans un court métrage sobrement intitulé Le Caire raconté par Youssef Chahine.[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width= »1/6″][/vc_column][/vc_row]