Le Retour de l’enfant prodigue
عودة الإبن الضال
Film de Youssef Chahine
Librement adaptée d’un roman d’André Gide, cette coproduction algéro-égyptienne est sans doute l’une des œuvres les plus douloureuses de Youssef Chahine, sous les dehors d’un film musical parfois très enjoué — les trois moments chantés par l’alors toute jeune Majida el-Roumi, chanteuse libanaise devenue depuis une soprano de renom et que l’on considéra à la sortie du film comme la « nouvelle Oum Kalsoum », sont très enthousiasmants. Le Retour de l’enfant prodigue est le dernier film d’un « cycle de la défaite » inspiré à Chahine par celle de la guerre des Six Jours (en 1967, une coalition de l’Egypte, de la Jordanie, de la Syrie et du Liban perdit contre toute attente ce conflit face au seul état d’Israël), cycle qui comprend également Le Choix (El-ikhtiyar, 1970) et Le Moineau (El-ousfour, 1973) : trois films à personnages multiples, dont la passionnante complexité réside dans ce refus de centrer le récit sur un nombre réduit de protagonistes. Trois films par lesquels le classicisme inné du cinéma de Chahine rencontra, via sa tendance au baroque, une modernité narrative qui revitalisa l’ensemble de sa filmographie.
Politiquement, Le Retour de l’enfant prodigue reflète un moment de désenchantement de la société égyptienne : l’après-Nasser (voir le beau moment rétrospectif des images documentaires des funérailles de ce dernier), auquel succéda le très libéral (au sens politico-économique du terme) Aroun el-Sadate, que Chahine, qui avait critiqué la fin du règne de son prédécesseur tout en continuant de l’admirer, ne portait guère dans son cœur. Contemporain d’un grand mouvement étudiant de contestation, contre le parti unique et pour plus de démocratie, le film n’est cependant jamais l’illustration d’une seule pensée ou d’une seule position politique : comme tout le cinéma de Chahine, il est dialectique, alternant le chaud et le froid, l’empathique et le distant — au sens presque brechtien du terme. Tant et si bien que lorsque vient le moment de la violence (et, dans ce film, elle s’avère assez radicale), elle laisse le spectateur pantelant, lui qui n’a pas eu le temps de la voir venir.
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