Quand passent les cigognes
Film de Mikhaïl Kalatozov
Veronika et Boris, jeunes amoureux, sont séparés par la 2nde Guerre mondiale : il part sur le front, elle reste à Moscou bombardée, puis doit partir en Sibérie…
Typique du « Dégel » soviétique (période de libéralisation après la mort de Staline), Quand passent les cigognes fut un immense succès en URSS mais aussi — chose rare pour un film de cette origine — dans le monde, entre autres en France où il reçut la palme d’Or à Cannes et attira cinq millions et demi de spectateurs. François Truffaut s’enthousiasma : « Tout le film est axé autour d’un personnage féminin profondément attachant et d’une vérité de tous les instants. Le jeu de Tatiana Samoïlova, qui ajoute à la subtilité du rôle, est nerveux, bondissant, poétique, animal, étrangement rythmé. La mise en scène est d’une virtuosité stupéfiante, riche, aux longs mouvements d’appareil quasiment inexplicables, tel celui qui, en un seul plan, nous montre Véronique à l’intérieur d’un autobus en marche, la précède lorsqu’elle descend dans la rue et qu’elle se fraie un chemin à travers la foule, pour ne la quitter enfin que quand elle court dans l’avenue, au milieu des tanks qui partent vers le front. »
Truffaut rend ainsi hommage au chef opérateur Sergueï Ouroussevski, avec lequel Mikhaïl Kalatozov collabora sur plusieurs films. Bien avant les systèmes de compensation des mouvements et de caméra télécommandée, Ouroussevski intensifia le lyrisme de Kalatazov de longs mouvements a priori impossibles, qui restent stupéfiants aujourd’hui. Olga Kobryn décrit ainsi le plan où Boris poursuit Veronika dans l’escalier : « Il a été tourné à partir d’une nacelle montée sur un ascenseur qui s’élevait au centre du décor construit pour pouvoir contenir cette installation technique. L’ascenseur montait et la nacelle tournait sur elle-même, la caméra créant un espace aussi allègre que la course de Boris, saisissant moins le parcours que l’état intérieur du personnage. » Quant à Serge Daney, il offre une fine analyse du mouvement émotionnel du film : « Kalatozov et Ouroussetski semblent avoir fait deux films en un. Celui pour se faire plaisir et l’autre. Lorsqu’ils se lancent dans une scène comme dans une crise de nerfs avec lignes de fuite, enfilades d’espaces, sprints d’acteurs, vols de cigognes et musique hors de ses gonds, cela crée une certaine sensation : la sensation d’être ému. Or (c’est l’autre film), cette sensation n’est jamais reprise — ni travaillée ni développée — dans la scène qui suit immédiatement. Elle reste (dans la mémoire) parce qu’elle est née sans suite (dans le film). » — JF Buiré[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width= »1/6″][/vc_column][/vc_row]