TORDRE
Rachid Ouramdane
En collaboration avec le Centre chorégraphique national de Grenoble
Le duo TORDRE s’ouvre malicieusement sur la musique de Funny Girl, le film musical américain de William Wyler, clin d’œil aux grands archétypes du corps glorieux tel que Broadway l’a fantasmé. Pour mieux tordre, ensuite, la référence et pénétrer dans une autre histoire du corps, plus intime, plus fragile.
TORDRE est le portrait sensible de deux danseuses stupéfiantes de virtuosité et de fragilité. Dans un décor minimaliste en noir et blanc, l’invisible surgit à la surface du geste et nous invite à penser la manière dont le mouvement peut dévoiler le potentiel de chacun à repousser ses limites.
Évoluant tout d’abord séparément, les corps se déploient dans des mouvements de torsions intenses dont l’équilibre ne tient qu’à un fil. Puis, les deux femmes solitaires se retrouvent. Une forme de bienveillance protectrice de l’une envers l’autre se dégage. La musique trouve un équilibre avec la poésie paisible et sereine des corps fins et délicats sur scène… La disharmonie devient harmonieuse. Au-delà de la performance physique qui interpelle le spectateur et de la fascination que l’on peut éprouver devant la virtuosité tourbillonnante ou minutieuse des deux interprètes, le chorégraphe saisit magnifiquement le geste singulier. La beauté du mouvement intuitif révèle alors ce que nous sommes et ce que les mots ne disent pas toujours : « être à soi pour être au monde et réciproquement ». Rachid Ouramdane codirige depuis janvier 2016 avec Yoann Bourgeois le Centre chorégraphique national de Grenoble.
Rachid Ouramdane, qui signe sa plus belle pièce depuis Loin, a puisé dans le vécu de ses interprètes pour développer un vocabulaire chorégraphique sur le fil de l’émotion. (…) Tordre a la séduction immédiate des créations épanouies. Rachid Ouramdane y déclare son amour de la danse et de celles qui la font. Pour reprendre ses mots, « Tordre c’est cela : contourner la chose la plus ostentatoire, aller à contre-sens, déconstruire les préjugés du spectateur, la pré-organisation de son regard ». Dans le brouhaha actuel, ces paroles réconfortent.
Philippe Noisette, Les Inrockuptibles